
Parier sur le logiciel libre, est-ce vraiment une prise de risque ?
Techniquement non. Politiquement… c’est une autre histoire.
Dans l’imaginaire collectif – souvent hérité des années 2000 – les solutions open source sont encore perçues comme moins “sûres”, moins “sérieuses” que leurs équivalents propriétaires. Pourtant, Linux, LibreOffice, Proxmox ou encore Firefox font tourner des millions de machines dans le monde avec une robustesse éprouvée.
Le poids du blâme
En cas d’incident informatique, tout ne se joue pas sur le plan technique. Une panne, une cyberattaque ou un ralentissement deviennent des faits politiques.
Deux scénarios :
Vous avez opté pour Microsoft ou VMware ? “Même les plus grands peuvent tomber. Ce n’est pas de votre faute.”
Vous avez choisi une solution open source ? “Pourquoi avoir pris un tel risque ? Le gratuit, ce n’est pas toujours fiable…”
Cette asymétrie du jugement crée un biais profond. Le DSI n’est plus seulement garant du bon fonctionnement du SI, mais aussi de la narration autour de ses choix technologiques.
L’illusion de la rationalité économique
- 80 % des DSI considèrent l’open source comme stratégique (Red Hat 2024), mais seulement 35 % l’utilisent réellement comme solution principale.
- Selon Gartner, une solution libre bien intégrée permet de réduire de 20 à 40 % les coûts de licence.
- En 2023, les entreprises du CAC 40 ont dépensé en moyenne 250 € par poste et par an pour des licences logicielles propriétaires.
Choix stratégique ou preuve de témérité ?
Adopter une solution libre est aujourd’hui, paradoxalement, plus risqué sur le plan de la perception que sur celui de la cybersécurité.
Le libre souffre d’une chose : il ne permet pas de se “cacher derrière l’éditeur” en cas de problème. Pas d’alibi, pas de hotline premium : seulement une décision assumée.
- Plus agiles
- Plus transparentes
- Plus adaptées aux environnements métier
- Et surtout, plus souveraines
Mais pour cela, il faut un DSI convaincu, soutenu, assumant un choix courageux.
Et si on changeait la grille de lecture ?
Le logiciel libre n’a pas besoin de rattraper le propriétaire sur la technique. Il a besoin que le monde de la décision change de regard.
Il est temps de poser les bonnes questions :
“Est-ce que cette solution est la plus efficace pour mon contexte ?”
Plutôt que : “Est-ce que je serai attaquable si ça plante ?”
En guise de conclusion…
Des centaines d’acteurs, partout en France, consacrent leur énergie à défendre une idée simple mais exigeante : celle d’un numérique souverain, basé sur le libre, la transparence et l’intelligence collective.
Pendant ce temps, notre pouvoir d’achat recule, les collectivités voient leurs budgets fondre comme neige au soleil, et le climat géopolitique n’a jamais été aussi instable.
L’Histoire nous a montré que la domination, lors des grands conflits du XXe siècle, s’est d’abord exercée par l’asservissement de notre industrie. Le prochain terrain de soumission sera numérique.
Qu’attendons-nous ? J’entends autour de moi des entités publiques – que je salue – qui ont eu le courage de tourner le dos aux géants américains et de tendre la main à l’ingénierie locale. Conscientes que ce ne sera pas simple. Conscientes que cela demandera de la rigueur, de l’endurance, de la pédagogie.
Mais aussi conscientes que si ce choix doit être assumé, c’est maintenant.
Parce que demain, il sera trop tard pour décider encore librement.